Sujet: Everything is average nowadays [R.] Sam 16 Oct - 0:35
« Remember you're a girl remember you're a boy 'Cause interesting people will always spread the joy 'Cause interesting people get away with it »
Journée de merde. Asteria Ungaro n’était pas de ces gens qui se plaignent à longueur de temps, qui râlent au moindre désagrément et qui font une montagne de pas grand-chose ; au contraire, elle était plutôt du genre posé, patient avec un moral à toute épreuve. Elle n’était pas non plus une fumeuse quotidienne, réservant ce petit plaisir aux soirées entre amis. Il était donc étonnant – et cela aurait étonné plus d’un étudiant si seulement l’un d’entre eux avait daigné tourner la tête dans sa direction – de la voir ruminer, le visage fermé et une cigarette à la main, dans un coin de l’université. Pour comprendre l’état dans lequel elle se trouvait présentement, il suffit de revenir quelques heures en arrière, le matin-même, dès la sonnerie de son réveil. Tout avait commencé avec le manque d’eau chaude dans l’ensemble de son appartement – l’idée reçue selon laquelle une douche glacée est le meilleur moyen de débuter une journée s’avéra être la plus belle connerie jamais pensée –, avait suivi le lâche abandon de la batterie de son iPod qui avait débouché sur une interminable marche jusque l’université, avec pour seule compagnie le bruit de ses talons et les jacassements des filles de son âge qui faisaient semblant de ne pas la voir alors que leurs propos démontraient le contraire – « il paraît qu’elle porte un corset, c’est pour ça qu’elle a toujours l’air coincé. » « Ah bon ? Moi j’ai entendu dire que ce n’était pas ses vrais cheveux. » - Asteria, de son côté, n’avait jamais été si heureuse de franchir les hautes grilles d’entrée de la faculté. A l’intérieur de la fourmilière, il était plus aisé de se fondre dans le paysage, de passer inaperçu et ainsi d’éviter de subir toutes les imbécilités superficielles que débitaient les personnalités les plus « in » des lieux. La jeune Ungaro pouvait passer pour quelqu’un d’aigri, quelqu’un qui se sentait supérieur à tous ses pairs, si cela n’était pas entièrement faux, elle était en vérité bien au-dessus de cela dans le sens où les relations sociales étudiantes ne l’intéressaient pas. Elles ne servaient qu’à attiser des rivalités au moment des examens et ne débouchaient sur rien à long terme. Un meilleur résumé aurait été de dire qu’Asteria n’était pas intéressée par les relations sociales tout court, mais il aurait alors fallu énumérer les nombreux contre-exemples prouvant qu’elle n’était pas un monstre dénué d’émotions.
L’une de ces exceptions à la règle, justement, était à l’origine de la seule note positive de sa journée ; en effet, la cigarette qu’elle faisait danser entre ses doigts et qui n’était pas composée que de tabac était un cadeau de Valentino Roméo Capelini, qui avait sans doute souhaité se faire pardonner de ne pas pouvoir la retrouver pour le cours prévu ce soir-là. C’était comme s’il avait pu prédire la succession d’ennuis qu’elle vivrait tout au long de sa journée et dont le point culminant avait été son renvoi du cours de grammaire linguistique française. Matière psychologiquement éreintante, professeure inintéressante, la combinaison avait fait des étincelles dans l’esprit de la jeune étudiante qui avait déclaré ouvertement que « ce cours était de la merde » – en français dans le texte, s’il-vous-plaît – et s’était gentiment fait promettre de ne plus jamais y mettre les pieds avant le prochain examen. Si elle était sortie de la salle la tête haute, une fois au dehors, elle ressassait combien elle aurait du mal à obtenir la moyenne sans avoir les exercices et se maudissait de n’avoir aucune affinité avec les gens de sa classe qui, pour une fois, auraient pu lui être utile.
Elle tira une longue taffe de sa cigarette améliorée, levant ses yeux fermés au ciel pour laisser les timides rayons du soleil lui caresser le visage. Que faisait-elle encore ici alors qu’elle n’avait plus cours ? Telle était la question à laquelle elle réfléchissait assidûment. Parmi toutes les réponses, de la meilleure à la plus improbable, elle jeta son dévolu sur la simplicité même : elle n’avait rien d’autre de prévu, ses plans ayant été changés trop vite pour qu’elle s’organise autrement et elle n’avait pour rien au monde envie de s’enfermer dans son appartement sans eau chaude. L’option « squatter chez un ami » était tentante mais ne la motivait pas plus que cela, elle était trop lasse pour réfléchir à qui serait éventuellement disponible à cette heure. Elle profiterait donc de l’air frais et de la formidable atmosphère de l’université pour quelques temps encore. Peut-être que quelqu’un finirait par prendre pitié et viendrait la distraire en lui posant des questions personnelles et indiscrètes, auxquelles elle répondrait avec son éternel sang-froid, ne gardant un sourire que profondément enfoui à l’intérieur. Ou bien un groupe de Premières Années l’accosterait pour lui demander une direction. N’importe quoi, elle se serait contentée de vraiment très peu pourvu qu’on la sorte de son ennui qui tournait dangereusement au mortel. Sérieusement, pourquoi avait-il fallu que son iPod tombe en panne de batterie aujourd’hui ? « Journée de merde, » grinça-t-elle entre ses dents, en écho à la pensée unique qui avait traversé son esprit aujourd’hui.
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